Tu n’appartiens à personne : sortir des logiques d’emprise, dans la vie comme dans le soin
- Julien Besse
- 12 oct.
- 2 min de lecture
« Tu n’appartiens à personne. »Une phrase simple, presque évidente. Et pourtant, combien de liens — amoureux, familiaux, professionnels, et parfois même thérapeutiques — basculent dans une logique de prise, de dette, de pouvoir ?
Ce texte prolonge ma vidéo et prend position : le soin n’est pas un pouvoir, aider n’est jamais dominer, et le silence face à l’abus nous rend complices. Il s’agit d’un appel à la justice relationnelle : reconnaître la dignité du sujet, clarifier les responsabilités, et rendre au lien sa fonction de soutien plutôt qu’un usage de contrôle.
Quand le lien devient domination
L’emprise ne commence pas toujours par un cri. Elle s’insinue : promesses ambiguës, dettes morales, isolement subtil, disqualification de la pensée, confusion entretenue. Dans un couple, une équipe, une famille, une formation, ou un cabinet de thérapie, le cadre et la qualité du dialogue font la différence entre une relation qui élève et une relation qui tient. Dans le champ systémique, on sait que les micro-dynamiques (loyautés, dettes, secrets, doubles contraintes) peuvent transformer un lien d’aide en mécanique de domination si personne n’est chargé d’en penser les effets.
Les silences complices : un phénomène systémique
L’« omerta » institutionnelle a ses ressorts : loyauté au groupe, peur des représailles, rhétorique de la neutralité, fatigue morale. La psychologie sociale décrit depuis longtemps l’effet du témoin : plus il y a de témoins, moins chacun se sent responsable d’agir. Le soin n’échappe pas à cette diffusion de responsabilité — d’où la nécessité de rôles et procédures d’alerte explicites.
Justice relationnelle : une boussole pour l’éthique du soin
Dans la thérapie contextuelle, Boszormenyi‑Nagy parle de justice relationnelle : équilibre des contributions, fiabilité, responsabilisation, transmission loyale entre générations. Cette boussole invite les professionnels à se situer non pas « au‑dessus » mais au service de la fiabilité du lien.
La neutralité dans le systémique (école de Milan) n’est pas l’indifférence ; c’est une position de curiositémultidirectionnelle (hypothétisation, circularité, neutralité) qui empêche la domination, elle ne la tolère pas. Quand la « neutralité » devient prétexte au silence face à des violences, elle trahit sa fonction.
Pourquoi parler de tout ça maintenant ?
Parce que la transparence s’impose. J’ai été témoin, dans certaines institutions, de dynamiques d’emprise recouvertes par une loyauté de façade, le vernis d’une « neutralité » et parfois l’omerta. Je refuse désormais de les normaliser. Il est grand temps d’avoir le courage de les combattre : les nommer sans détour, les documenter, protéger celles et ceux qui en pâtissent, exiger des procédures claires et des contre‑pouvoirs effectifs, et accepter de remettre nos pratiques en question. Le soin n’a rien à craindre de la lumière ; ce qu’elle menace, ce sont les arrangements qui fabriquent l’impunité. Parlons, agissons, et tenons la ligne d’une justice relationnelle qui protège.
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