Se séparer sans se détruire : ce que personne ne dit sur la séparation de couple
- Julien Besse
- il y a 11 heures
- 3 min de lecture
Le thérapeute de couple se trouve parfois face à une situation qu’il peut considérer comme un échec : le couple se sépare. Pourtant, ce n’en est pas toujours un. La séparation n’est pas nécessairement le contraire de la réussite thérapeutique. Robert Neuburger le rappelle avec clarté : toutes les séparations ne sont pas des ruptures. Certaines permettent à chacun de retrouver une liberté, d’autres laissent des cicatrices profondes. Ce qui compte, c’est la manière dont elles se vivent et se symbolisent.
Quand la séparation n’est pas un échec
Robert Neuburger raconte le cas d’un couple issu d’un milieu religieux très traditionnel. Ils voulaient se séparer, mais leur entourage leur répétait que c’était un péché. Il leur rappelle alors calmement : divorcer, non, mais se séparer, oui. Personne ne peut l’interdire. Ce petit déplacement de sens ouvre un espace de respiration. Le thérapeute ne sauve pas le couple, mais restaure la liberté de penser et d’agir.
Accompagner une séparation, ce n’est pas renoncer à la thérapie : c’est accepter que la solution puisse résider dans la fin du lien conjugal.
Robert Neuburger évoque également a situation de cette femme qui quitte un compagnon qu’elle ne supportait plus, et qui se retrouve pourtant dévastée. Elle croyait se libérer, mais elle perd quelque chose de plus profond : le sentiment d’appartenir.
Dans un couple, on n’existe pas seulement dans la relation amoureuse, mais aussi dans un système de reconnaissance. On est “quelqu’un” socialement, familialement, symboliquement. Quand la relation se rompt, on perd ce statut d’appartenance. On se retrouve nu face au monde, sans la structure de sens que le couple offrait.
Le thérapeute doit entendre cette dimension. La rupture ne se réduit pas à une souffrance affective : c’est une perte systémique, identitaire et parfois sociale.
Les chutes mythiques
Certains moments de rupture sont d’une violence rare. Neuburger les appelle des “chutes mythiques” : l’instant où une illusion s’effondre. Il raconte le cas d’un homme qui annonce sa décision de partir en pleine séance, sans prévenir sa compagne. Elle tombe des nues. Le thérapeute, témoin de la scène, se sent manipulé.
Il intervient alors avec fermeté : à partir du moment où le couple n’existe plus, aucune familiarité n’est acceptable. L’autre devient une personne distincte, à respecter. Ce rappel des frontières symboliques est essentiel. Le thérapeute ne peut pas empêcher la séparation, mais il peut en préserver la dignité.
De l’intime au familier
L’intime repose sur l’amour, le respect et la confiance. Mais il arrive qu’il glisse vers le familier, où chacun prend l’autre pour acquis. La désérotisation s’installe, le lien devient fraternel, puis indifférent. Dans certains cas, cette forme d’habitude tue la reconnaissance réciproque.C’est souvent à ce moment-là que les couples arrivent en thérapie, ou qu’ils décident de se séparer.
Se séparer sans se détruire
Neuburger propose aux couples de transformer la séparation en acte symbolique. Il leur demande souvent :« Pouvez-vous emporter un souvenir positif, quelque chose qui vous nourrira pour la suite ? »
Ce rituel permet de quitter le couple sans effacer ce qui a existé. Il marque la fin d’un système sans le nier. C’est toute la différence entre une rupture et une séparation : l’une détruit, l’autre transforme.
Quand le conflit se déplace sur les enfants
Avec la disparition du divorce pour faute, la question de la “culpabilité” a disparu du cadre juridique. Mais elle s’est déplacée ailleurs, souvent sur les enfants.Les désaccords éducatifs, les plaintes répétées, les recours devant les tribunaux deviennent le lieu où se rejoue le conflit conjugal. L’enfant sert alors de monnaie symbolique pour solder une dette émotionnelle. Le thérapeute doit aider à restaurer une frontière claire : le lien conjugal peut prendre fin, le lien parental, lui, demeure.
Continuer à accompagner après la séparation
Robert Neuburger suggère de ne pas interrompre brutalement l’accompagnement après la séparation. Continuer à voir chacun individuellement permet de travailler la reconstruction identitaire, de redonner sens et cohérence à ce qui a été vécu. La thérapie devient alors un espace où chacun peut se réapproprier sa propre narration.
Accompagner une séparation n’est pas un échec. C’est parfois le point d’équilibre le plus juste entre deux trajectoires qui se différencient. C’est permettre à chacun de partir sans détruire, de se séparer sans effacer ce qui a été construit.
“Tout n’est pas mauvais. Vous allez reconstruire votre vie à votre façon.”— Robert Neuburger
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