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Prendre son envol

Dernière mise à jour : 5 déc. 2021

Bonjour à tous!


Dans cet article, je vous présente une fiche de lecture d’un ouvrage d’Alfredo Canevaro : Prendre son envol, inviter la famille d’origine en thérapie individuelle systémique. Vous trouverez dans une grande majorité des citations de l’ouvrage, avec la référence de la page pour vous repérer dans le livre, si vous souhaitez le lire pour aller plus loin.


J’ai également réalisé une vidéo sur YouTube — dont je vous partage le lien si cela vous intéresse — et qui synthétise les informations à travers mon prisme personnel, ce que vous trouverez dans l’article est en revanche strictement fidèle à la parole de l’auteur.





Alfredo Canevaro présente un modèle préconisant de rencontre quatre ou cinq fois le patient seul avant de le rencontrer avec sa famille d’origine. Selon Mattéo SELVINI — auteur de la préface de l’ouvrage du psychiatre argentin — de cette manière, il sera ensuite impossible de le réduire à un pion dans l’impasse de couple de ses parents, ou à une simple victime d’une chaîne de souffrance transgénérationnelle qui pourrait être visualisée dans la représentation de son génogramme (Mattéo SELVINI, 2008).


Dans l’expérience de l’auteur, 70 à 80 % des contenus des séances individuelles tournent autour de problèmes qui concernent la différenciation difficile de la famille d’origine et de ce fait, à la difficulté de s’insérer dans la société avec un projet existentiel satisfaisant.

Il porte sa réflexion sur le fait que si nous suivons le courant des préjugés — dont certains s’accrochent aussi fort à notre pensée qu’une moule à son rocher — nous pourrions nous laisser entraîner à guider les individus vers une lutte contre leur système familial, appréhendé alors comme résistant au processus d’individuation de la personne. Il rappelle alors que pour lui, un des mythes les plus omniprésents dans la psychothérapie est celui de penser qu’un individu d’âge adulte doit se débrouiller dans cette période difficile sans l’aide de sa famille d’origine. Or, si nous polarisons la réflexion de la même manière que cet auteur, l’être humain semble se débattre dans un axe qui oscille entre deux grands besoins : le besoin d’appartenance à un système familial qui nous a donné la vie, notre nom et avec lequel nous avons accumulé des milliers d’interactions ; et le besoin de différenciation : une poussée spontanée qui nous porte à explorer le monde et à dessiner un projet existentiel autonome. Pour lui, c’est ainsi qu’éventuellement, il sera possible de récupérer notre lignée dans un mécanisme transgénérationnel de survie des valeurs positives héritées.

Canevaro est dans la lignée d’auteurs comme Bowen (1978) qui insista le premier sur l’importance de la différenciation de l’individu de sa famille d’origine, faisant retourner les patients dans leur famille afin qu’ils puissent s’y confronter pour essayer de s’en dé-trianguler.

« Nous autres, thérapeutes, nous sommes toujours plus faibles qu’un système familial et seule la conscience de notre faiblesse nous donne la force d’intervenir d’une façon parfois audacieuse dans les relations familiales, en favorisant une rencontre clarifiante qui peut servir de déclenchement à la réalisation autonome personnelle en dehors du contexte familial. »


En citant un autre auteur : « Je suis convaincu qu’une seule séance faite avec un adulte, ses parents et ses frères et sœurs peut parfois avec de meilleurs résultats que ceux observés après un cycle complet de psychothérapie » (Framo, 1996).


Effets de la présence directe en séance des membres de la famille :


a) provoque un effet Rashomon avec différentes versions du même évènement qui enrichit la complexité et relativise les positions individuelles


b) favorise la compréhension de faits obscurs de l’histoire familiale et personnelle


c) dévoile des secrets insoupçonnés ou mystificateurs à travers la version intéressée de certains membres de la famille

d) favorise la définition de la relation à l’intérieur des familles et avec nos clients


e) améliore la qualité de la rencontre émotionnelle en séance ou, au moins, signifie l’impossibilité d’y parvenir après l’avoir tenté, ce qui peut représenter une nouvelle base de départ (voir paragraphe 8 ; « Rencontre frustrante et libératrice »)

f) favorise le pardon et la réconciliation, ce qui provoque un profond soulagement et permet l’utilisation plus autonome et créative des énergies pour le développement de son propre Soi.

Pourtant, la convocation est toujours source de doutes et d’anxiété. « Mes proches ne s’effondreront-ils pas si j’expose vraiment ce que je pense ? » « Papa qui a déjà eu un infarctus ne va-t-il pas rechuter durant cette séance » ? » (P.53)

Le thérapeute explique bien la raison de son invitation : « Une telle et un tel sont venus me voir pour être aidés dans leurs problèmes et puisque je considère que la famille est très importante dans la vie d’un individu, j’ai besoin de votre collaboration afin de mieux les aider. Je vous demanderai donc de parler avec sincérité des problèmes présents, de leur raison d’être et des solutions que vous proposez. Aidez-moi à les aider ».


Cette sincère demande d’entraide de la part du thérapeute est très importante pour placer la famille en position favorable face au processus thérapeutique et éviter qu’elle ne s’y oppose. L’art du thérapeute consiste à canaliser ces forces dans ce sens afin de favoriser une intervention souvent considérée inutile en méconnaissance de cause.


Impact des émotions :

« Selon Greenberg et Johnson (1990), les émotions donnent un sens à la construction et à l’organisation de la réalité. Elles sont préréfléchies, immédiates, et synthétisent l’information qui arrive. Elles informent l’individu sur son état intérieur comme réaction aux événements externes. La conscience de l’expérience émotionnelle fournit à l’individu des informations cruciales sur la satisfaction des besoins de base pour la survie et la résolution effective des problèmes. Elles ont une fonction communicative dans l’interaction sociale. Elles orientent ou éloignent l’individu des objets environnants du monde physique et, quand elles sont élaborées à un niveau supérieur, elles préparent l’individu pour l’action. En thérapie, elles favorisent le changement interpersonnel lorsque l’on prend contact avec les émotions inexprimées à la base d’un cercle vicieux interpersonnel et que l’on redéfinit les besoins ou les motivations capables d’aider à restructurer l’interaction. » (P.64)

Le pardon dans les situations traumatiques :


« Il est très fréquent que pendant les thérapies et les rencontres avec les membres significatifs de la famille on doive affronter des conflits irrésolus du passé qui continuent à se manifester dans les relations actuelles. Rappelons les objectifs thérapeutiques de ces rencontres :

  1. demander de l’aide et des informations ;

  2. éclairer des malentendus ;

  3. corrigez des distorsions et/ou des représentations erronées, permettre des réconciliations ;

  4. favoriser la différenciation ;

  5. définir la relation ;

  6. comprendre l’humanité et/ou la fragilité des parents, les démythifier ;

  7. “ Passer de l’intimidation intergénérationnelle à l’intimité intergénérationnelle ” (D. Williams on, 19 81). »(P.65)

Rituel thérapeutique pour favoriser la différenciation : le sac à dos

« Je pratique depuis de nombreuses années des techniques pour favoriser la psychothérapie individuelle ou de couple. Pendant mes recherches, j’ai inventé, à titre expérimental, une manœuvre (Canevaro, 1999) visant à favoriser l’expression des sentiments relatifs à la phase de différenciation d’un jeune adulte de ses parents, technique que j’ai appelée le sac à dos. » (P.81)

« Pour faciliter cette phase, l’exercice du sac à dos permet l’interéchange émotionnel et la redéfinition positive de la relation parents-enfants en redonnant à chacun ce qu’il a le droit d’avoir : à l’enfant la confirmation de soi et la permission d’explorer le monde ; au parent l’accomplissement d’une attribution indissociable de son rôle. Une fois faites les premières phases de la définition du problème et la convocation des membres de la famille en séance effectuée, nous arrivons à la troisième phase du protocole, l’entretien qui permettra la clarification des malentendus et la réalisation des objectifs thérapeutiques. Après cette explicitation et une fois obtenu l’accord des parents pour aider leur enfant à dépasser ses difficultés, tous sont invités à faire une expérience. (P.84)

Les nuances techniques de cet exercice sont nombreuses et il faut le thérapeute soit proche, non seulement physiquement (la distance : celle qui permet au thérapeute de toucher de la main l’épaule du jeune homme quand il prononce “ et il porte avec lui un sac à dos”) tout en prêtant une écoute attentive et silencieuse pendant qu’il écrit ce qu’ils disent sur une feuille.

1) Il est important d’aider le parent à exprimer clairement un concept au milieu de tout ce qu’il peut dire, parfois en cherchant à le saisir ou à le synthétiser en un mot pour lui en demander ensuite la raison. Par exemple si le père dit au fils : “Tu dois être toi-même et avoir une forte personnalité inattaquable” on le porte à dire: “je te donne ma détermination à être moi-même pour quelle te soir utile en tant que forte personnalité que personne n’attaquera.”

2) Essayer d’éviter qu’ils donnent des recommandations ou des suggestions, mais faire en sorte qu’ils fassent un effort pour trouver une qualité ou un certain aspect de caractère à donner à leur enfant. Au lieu de dire : “ Tu dois être fort dans la vie”, dire : “je te donne ma force pour qu’elle te soit utile dans la vie quand tu en auras besoin dans les moments de découragement et de difficultés, etc. ” Ou bien au lieu de dire : “J’espère que tu pourras t’adresser à moi en cas de difficulté ; le père que tu as perdu quand tu étais petite est aujourd’hui présent, il est là”, dire : “je te donne ma présence pour qu’elle puisse te servir dans les moments importants, dans les moments difficiles.

3) Essayer d’être attentif à ce qu’ils se regardent dans les yeux lorsqu’ils se parlent, a le leur rappeler, même s’ils se mettent à pleurer et qu’ils essayent éviter ce contact.

4) Éviter qu’ils se parlent en ayant recours à une troisième personne, par exemple s’adresser au thérapeute pour parler de son fils

5) Faire répéter une ou deux fois ce que chacun dit et faire lire si nécessaire ce que le thérapeute a écrit sur une feuille divisée verticalement deux : la première partie à gauche servant à noter ce que le père ou la mère a donné et à droite ce que le fils laisse de lui-même. Quand ils finissent, leur demander de s’étreindre en silence le temps nécessaire, posant chacun sa tête sur l’épaule de l’autre. C’est un moment important souvent très émouvant qui, au-delà d’être très marquant pour les participants, donne de nombreuses informations au thérapeute. Certains s’étreignent avec difficulté et se détachent immédiatement. Il est alors nécessaire de leur demander de garder si possible le contact avec l’autre plus longtemps.

Parcours thérapeutique :


Phase initiale :

A-B : Confiance — Alliance thérapeutique — Philosophie thérapeutique — Stratégie de la convocation.

B-C : Phénomène à ‘ effet de serre’ — rencontres avec les parents et/ou les frères et sœurs.


Phase centrale :

C-D : Partenaire — éventuelle rencontre/s avec le partenaire.

D-E : Projet existentiel — après les rencontres avec la famille d’origine il est déjà plus différencié, on trace le projet existentiel original.

Phase conclusive :

On évalue les changements effectués pour comprendre si les objectifs thérapeutiques ont été atteints.

E- F : Vérification et Bilan de Thérapie — dans cette phase, certaines rencontres avec les personnes significatives peuvent se répéter pour établir les changements individuels de la relation et les éventuels retours dans le système familial comme co-thérapeutes.

F-G : Contrôles trimestriels à 1 mois et à 6 mois ; éventuel follow-up à 1 an et à 2 ans.


CONCLUSION :


Alfredo Canevaro nous parle d’un phénomène psychologique qu’il rencontre très souvent dans son quotidien de thérapeute, et je ne peux qu’être en accord avec lui à partir de ma propre expérience.


Le rituel du sac à dos me paraît très intéressant et je l’ai rangé dans ma boîte à outils personnelle, nul doute que je l’utiliserai dans ma pratique en l’adaptant à mon style.


J’espère que ce petit résumé vous aura donné envie d’aller plus loin, je vous rappelle que j’ai fait une vidéo sur ce sujet sur ma chaîne YouTube si cela vous intéresse, n’hésitez pas à vous abonner et à donner votre avis en commentaire si vous êtes intéressé par d’autres vidéos.


Merci beaucoup, prenez soin de vous, et à très bientôt !





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